En Côte d’Ivoire, plusieurs organisations de cacaoculteurs tentent de conduire une révolution sur l’exploitation des précieuses fèves. Si le pays reste le premier producteur mondial devant le Ghana, la culture du cacao en Côte d’Ivoire se fait de plus en plus aux dépens de la population paysanne et de l’environnement.

En dépit des troubles qu’elle a subis au cours des trente dernières années, la Côte d’Ivoire reste le premier producteur mondial de fèves de cacao. Le pays couvre en effet plus de 40% des besoins en cacao des industries du secteur alimentaire, soit pratiquement le double de la production du Ghana, qui fournit tout de même 20% du cacao mondial. Une richesse considérable qui ne profite guère aux planteurs et à leurs ouvriers, puisque selon la Banque mondiale, la plupart d’entre eux vivent toujours sous le seuil de l’extrême pauvreté. 

Dans l’économie cacaoyère ivoirienne, les paysans touchent en moyenne de 60 à 70 francs CFA par kilo de fèves, soit 9 à 10 centimes d’euro, ce qui couvre à peine les coûts de production. En bout de chaîne, ce sont les exportateurs qui réalisent les plus gros bénéfices, alors que ce sont eux qui prennent le moins de risques. Le gouvernement ivoirien a donc institué une procédure de certification qui permet de faire contrôler par un organisme indépendant le respect du cahier des charges par les exportateurs, ce qui doit les conduire  à payer le juste prix aux producteurs qui leur vendent les fèves. 

Dans le même ordre d’idée, les gouvernements ivoirien et ghanéen ont formé une alliance en 2018, présentée comme “l’Opep du cacao”, pour réhabiliter la place des cacaoculteurs et augmenter leur rémunération. Cette alliance visait aussi à permettre aux deux pays – qui assurent donc plus de 60% de la production mondiale – de peser plus lourd face aux géants de l’agro-alimentaire occidental qui assurent la production de chocolat pour les pays consommateurs, un marché global dont le chiffre d’affaires dépasse les 130 milliards de dollars par an. Or, la filière de l’or brun dans les pays producteurs ne capte que 6% de cette somme, alors qu’elle en est le maillon essentiel. Avec cette alliance, Côte d’Ivoire et Ghana espèrent rééquilibrer ce commerce en leur faveur et défendre la place des planteurs, qui reste à la fois le maillon le plus faible et le plus indispensable au maintien de la filière.  

Une nouvelle norme européenne qui doit entrer en vigueur courant 2023 devrait les aider dans cette démarche. L’UE souhaite en effet interdire l’entrée dans l’Union de produits agricoles qui ne respectent pas certains standards, notamment en matière de déforestation et de travail des enfants. Les multinationales du chocolat l’ont bien compris et se mobilisent à leur tour pour nouer des partenariats plus équitables avec les organisations locales de producteurs, afin notamment de répondre aux évolutions de la demande, les consommateurs occidentaux étant de plus en plus nombreux à conditionner leurs achats de chocolat au respect des valeurs du commerce équitable.

L’alliance Côte d’Ivoire-Ghana a également renforcé les coopératives locales dirigées par les producteurs ouest-africains, qui cherchent désormais à négocier leurs fèves directement avec les importateurs occidentaux, en leur proposant des contrats d’achat pluriannuels qui incluent un encadrement des prix, une formule transparente de répartition des revenus et la possibilité pour les acheteurs occidentaux d’effectuer des visites de contrôle régulières chez leurs producteurs partenaires. L’objectif final est non seulement de mieux rémunérer les paysans, mais aussi de dégager suffisamment de marges pour moderniser et entretenir les installations dédiées à la production, de former les employés aux meilleures pratiques de culture et de favoriser les techniques de production respectueuses de l’environnement.

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