Une récente étude pointe l’aggravation de la pollution des milieux marins à une échelle inédite, alors que doit s’ouvrir à Paris une deuxième session de négociations sous l’égide de l’ONU pour l’adoption d’un cadre juridique international contraignant susceptible de mettre un terme à ce qui s’apparente bel et bien à une forme de suicide selon les scientifiques experts de ces questions.

Révélées il y a plus de 25 ans par l’océanographe américain Charles Moore, les accumulations de matières plastiques en mer – baptisées depuis le 7e continent – continuent de progresser à un rythme inquiétant, en dépit des multiples alertes diffusées entretemps aux quatre coins de la planète. Selon une étude publiée récemment dans la revue scientifique américano-britannique PLOS One, ces concentrations liées aux courants océaniques représenteraient environ 170 000 milliards de fragments de plastique flottant à la surface de l’eau. Il s’agit pour l’essentiel de micro-plastiques issus des activités humaines, lesquels se retrouvent dans la nature faute d’une gestion adaptée (recyclage ou élimination), avec toujours le même réceptacle en bout de chaîne : la mer. L’étude publiée par PLOS One évalue ainsi entre 1,1 et 4,9 millions de tonnes le poids total de ces déchets plastiques qui ne se dégradent pas – ou alors très lentement – dans le milieu marin, avec des conséquences considérables sur la faune et la flore océaniques, beaucoup d’espèces confondant ces fragments de plastique avec leur nourriture habituelle faite de plancton et micro-organismes marins.

Quarante ans de dégradations

« Nous n’avons observé aucune tendance claire détectable jusqu’en 1990. Une tendance fluctuante mais stagnante depuis lors jusqu’en 2005. Et une augmentation rapide jusqu’à aujourd’hui. Cette accélération observée des densités de plastique dans les océans du monde, également signalée pour les plages du monde entier, exige des interventions politiques internationales urgentes », soulignent les auteurs de l’étude, membres du Five Gyres Institute et de plusieurs laboratoires universitaires  californiens. Leur étude repose sur les prélèvements effectués par 11 777 stations flottantes réparties à travers le monde, dont les premières ont été mise en place en 1979. Sur cette période de 40 ans (les dernières données de l’étude s’arrêtent à 2019), les auteurs de l’étude  note un « accroissement rapide » des apports de plastiques en mer depuis 2005, soulignant que cette « accélération des densités de plastiques présentes dans les océans du monde entier, également observée sur les plages tout autour du globe, nécessite des interventions politiques urgentes à l’échelle internationale. »

Nettoyage et recyclage n’y suffiront pas

Ils préconisent ainsi de ne plus se focaliser sur le nettoyage des zones polluées et le recyclage des matières plastiques, mais plutôt sur la réduction drastique de la production de plastiques à l’échelle planétaire, faute de quoi ils estiment que les quantités rejetées en mer pourraient être multipliées par 2,6 d’ici 2040 par rapport à l’année 2016. De quoi donner du grain à moudre aux représentants des 175 pays participant à la 5ème assemblée des Nations Unies pour l’environnement, qui doit tenir sa deuxième session de négociations du 29 mai au 2 juin prochain à Paris. Le 2 mars 2022, ils avaient approuvé une résolution visant à mettre fin à la pollution plastique via un « instrument international juridiquement contraignant » d’ici 2024.

Affaire à suivre.

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