Consacrée aux conséquences de la guerre en Ukraine sur la transition écologique et aux tensions inflationnistes qui en découlent,  la session d’ouverture de ces Dialogues a rassemblé un panel d’experts internationaux qui restent raisonnablement optimistes sur l’avenir de la planète. A la condition que les Etats, les institutions financières et le secteur privé prennent les bonnes décisions et opèrent les bons choix.

Initiés en 2021 dans un contexte de crise sanitaire qui bousculait déjà nombre de certitudes, les Dialogues de l’économie citoyenne de La Banque Postale viennent de connaître une 2e édition marquée par le conflit en Ukraine et ses lourdes conséquences géopolitiques.

En ouverture des 2e Dialogues de l’économie citoyenne, Philippe Heim, président du directoire de La Banque Postale, a annoncé le lancement d’un nouveau prix littéraire, le « Project Syndicate Global Sustainability Book Award », qui récompensera l’ouvrage le plus impactant de l’année sur les questions de développement durable et de transition juste.

Réunir à cette occasion quelques grands acteurs économiques et financiers internationaux avait d’autant plus de sens que ces deux séismes majeurs que vient de subir la planète – la pandémie puis la guerre – interrogent évidemment les grands choix stratégiques auxquels le monde est aujourd’hui confronté en termes de transition environnementale, sociale, numérique et territoriale. Ils interrogent également le modèle démocratique et sa capacité à relever ce défi de la transition et à imaginer un monde plus propre, plus sûr, plus équitable et plus prospère pour un futur proche.

Il n’est plus temps de tergiverser

Dans le droit fil des nombreux rapports scientifiques publiés ces derniers mois, à commencer par celui du Giec (1), tous les intervenants réunis le 23 juin pour la session inaugurale de ces Dialogues de l’économie citoyenne 2022 étaient tous d’accord : il n’est plus temps de tergiverser.

Pour mettre en œuvre la « transition juste », que La Banque Postale et un nombre croissant d’institutions financières appellent de leurs vœux, c’est maintenant qu’il faut agir, puissamment et résolument, à l’échelle la plus large possible.

Pour autant, le nouveau contexte international est-il de nature à entraver, ou au contraire à accélérer ces transitions ?

Défi existentiel pour l’humanité

C’est l’une des questions-phares que Philippe Heim, président du directoire de La Banque Postale, et Adrienne Horel-Pagès, sa directrice de l’engagement citoyen, ont proposées à leur invités.

L’économiste Daron Acemoglu a souligné le responsabilité des Etats et de leurs choix en matière financière et fiscale dans la mise en œuvre de transitions efficaces.

Le premier à avoir tenté d’y répondre est l’économiste turco-américain Daron Acemoglu, qui y voit avant toute chose « un défi existentiel pour l’humanité ». Car il s’agit ni plus ni moins que de sortir de l’addiction aux énergies fossiles de la planète entière, alors même qu’il subsiste « un grand désir d’élévation du niveau de vie en Asie, en Afrique, en Amérique du sud… ». Or, ce désir ne pourra être assouvi sans énergie. Daron Acemoglou ne croit d’ailleurs pas que réduire la consommation globale  d’énergie dans le monde soit possible, ni même souhaitable. Au contraire de la transition vers des énergies décarbonées, à  condition que les Etats s’en donnent les moyens et prennent les décisions qui s’imposent. C’est-à-dire taxer le carbone à un niveau suffisant pour inciter les acteurs économiques à opérer cette indispensable transition et appliquer des droits de douane dissuasifs aux produits issus ou liés à la filière fossile, afin de gommer leur avantage compétitif.

Contradictions à court terme, accélérateur à moyen et long terme

Selon le politologue belge François Gemenne, co-auteur du 6e rapport du Giec,  c’est à ce prix que l’économie globalisée réduira sa dépendance au pétrole et au gaz. A ce prix aussi que l’Occident s’affranchira de sa dépendance vis-à-vis de ses fournisseurs d’énergie fossiles. La Russie, évidemment, mais aussi une kyrielle de régimes autocratiques, par nature peu ouverts aux transitions, quelles qu’elles soient.

Pour autant,  l’évolution récente du contexte géopolitique peut-elle briser l’élan vers la transition énergétique ? « A court terme, il y a une contradiction à remplacer le gaz et le pétrole russe par le charbon, admet François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la banque de France, mais à moyen et long terme, on peut espérer que cette guerre sera un accélérateur de la transition, estime-t-il, car à la nécessité pour nous et nos économies de réussir ce défi, s’ajoute un impératif nouveau de sécurité des approvisionnements et de réduction de notre dépendance. »

Forte poussée en faveur des investissements durables

Aller à marche forcée vers un mix énergétique de plus en plus propre et renouvelable implique toutefois de très nombreuses évolutions dans de très nombreux domaines. Pour le solaire photovoltaïque, par exemple, « nous sommes encore dans une grande dépendance vis-à-vis de la Chine pour les panneaux », rappelle Odile Renaud-Basso , présidente de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd). Qui se félicite cependant de la « forte poussée en faveur des investissements dans le renouvelable », encouragée par « la hausse du prix des fossiles, qui pousse déjà vers les renouvelables, mais aussi malheureusement vers le charbon. » D’où la nécessité de pousser encore plus fort dans cette direction et de multiplier les investissements, notamment dans la recherche. Car nombre de solutions technologiques indispensables à la réussite de ces transitions restent à inventer.

L’Etat régulateur et incitateur

Dans ce domaine, l’ensemble des intervenants à cette session d’ouverture des 2e Dialogues de l’économie citoyenne étaient sur la même longueur d’ondes : pour mettre sur la table les sommes nécessaires à cette transformation, les Etats ont un rôle majeur à jouer en termes d’incitations, de régulations et de fiscalité. Mais les institutions financières nationales et internationales, les banques, les compagnies d’assurance et l’ensemble du secteur privé sont également au cœur du jeu. Les politiques d’investissement qu’elles mettront en œuvre conditionneront en effet les choix des entreprises, mais aussi des pays émergents, qui ne s’inscriront sur une trajectoire de décarbonation que si on les y aide suffisamment et dans la durée.

Pour guider les choix des entreprises, de nombreux outils ont été créés ces dernières années. Parmi eux, la « Task force on climate related financial disclosures » évoquée par Michael Boomberg, ancien maire de New-York et envoyé spécial des Nations-Unies pour l’ambition et les solutions climatiques, dans un message vidéo aux Dialogues de l’économie citoyenne. Des structures existent également pour conseiller, accompagner et financer les Etats dans leurs projets de transformation. Mais il manque encore un système universel accessible, reposant sur des critères fiables et reconnus par tous, pour mesurer les impacts, évaluer les coûts et fixer des objectifs de nature à restaurer la confiance du grand public. Car aux yeux de nombreux citoyens, ces évolutions récentes sont trop souvent suspectes de relever du greenwashing plutôt que d’un engagement sincère et réfléchi.

Un nouveau prix pour l’ouvrage le plus impactant de l’année

Dans le même ordre d’idée, Philippe Heim et Adrienne Horel-Pagès ont profité de cette session d’ouverture pour annoncer le lancement par le Project Syndicate, en partenariat avec La Banque Postale, d’un nouveau prix littéraire, le « Project Syndicate Global Sustainability Book Award », qui récompensera dès juin 2023 l’ouvrage le plus impactant de l’année sur les questions de développement durable et de transition juste.

Au côté de Jonathan Stein, rédacteur en chef de The Project Syndicate, Philippe Heim a souligné à quel point ce nouveau prix s’inscrivait dans l’ADN de La Banque Postale, « qui a toujours été au soutien de la recherche académique. » Même si cette réalité a été quelque peu bousculée ces derniers temps, c’est tout de même très souvent des travaux scientifiques et de la recherche que naissent les solutions. Et sur des fondements scientifiques que s’établit la confiance entre une population et ses élites.

–          (1) : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

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